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Le trail de la  Vésubie – 22Km et  beaucoup de D+

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Dimanche 17 juin, j’ai repris le chemin des courses officielles en m’élançant sur le vertigineux format 22km et 1400D+ de l’Ultra Trail du Mercantour. Et comme souvent, cette course, je l’ai faite avec mon père. Une passion commune, et pour cette fois, un manque d’entraînement commun aussi. Cette course se ferait donc pour le plaisir. Le plaisir de manger des cailloux et des pentes trop pentues.

Soyons clair, ce dossard c’était surtout la petite lumière après ma chute et ma blessure au Trail Sainte-Victoire. J’avais attendu de voir le médecin, et ma première question pour lui avait été  « est-ce que je pourrais refaire un trail mi-juin ? ». J’avais besoin d’un nouveau défi rapidement. D’une course que je pourrais finir, donc avec un format plutôt court. Et cette course, minime participation à un évènement aussi mythique de l’Ultra-Trail du Mercantour, elle me chatouillait. Dans l’envie et la précipitation, j’ai cliqué sur « s’inscrire » avant même de réfléchir à un quelconque entraînement.

Une reprise sur les chapeaux de roues

Après un mois de voyage au Canada, parsemés de sortie running aux sensations hasardeuses, j’ai repris la voie de la caillasse avec un week-end de reportage dans la Sainte-Victoire. La même qui m’avait valu une cheville et quelques contusions quelques semaines plus tôt. Malgré l’envie, c’est plutôt l’appréhension qui m’a gagné dans les descentes, et le cardio qui s’est fait la malle pendant que je montais/j’escaladais les crêtes de la Sainte. Les entraînements qui s’en suivirent furent tout aussi hasardeux ; une fois de bonnes sensations, l’autre fois l’impression de ne plus pouvoir finir.

Et puis le 17 juin est vite arrivé.

Le départ du 22km de l’Ultra Trail du Mercantour

Réveil dominical anormal comme tous les week-ends de course. Réveillée avant le réveil, j’essaye de me faire ma propre course mentalement, de la visualiser, et surtout de visualiser le positif. Nous arrivons en famille un peu avant 9h sur la place du village de Saint-Martin-Vésubie qui grouille de monde. Des arrivées d’ultra-traileurs, des dossards de toutes les couleurs, au milieu d’une valse de voitures qui cherchent désespérément une place.

Après des derniers préparatifs rapides sur le parking (et surtout un pipi derrière la voiture), nous nous rendons sur le lieu de départ. Nous nous installons à la terrasse d’un café juste derrière le départ pour patienter. Je n’ai pas l’impression de prendre le départ d’une course.

Et cette sensation me poursuivra jusqu’à la première côte. Il faut dire que ce n’est pas commun de courir avec autant de monde autour de soi sur de si petits chemins. D’ailleurs, nous tombons sur le premier « bouchon » au niveau d’un petit pont. La côte est ardue, et elle ne finira pas avant un bon moment. Nous marchons tous d’un bon pas, en nous encourageant. Enfin, j’entends des encouragements, de mon père, des autres coureurs et moi je peine à répondre ou faire un sourire. Je sue, la bouche grande ouverte, et avec un souffle digne d’un sanglier.

J’attends la petite redescente annoncée sur le profil avant la (très) longue remontée vers le point culminant. J’ai besoin de dérouler les jambes, de récupérer mon souffle. A la place, c’est un faux plat au bord du lac de la Colmiane qui nous attend. C’est magnifique mais je suis trop concentrée sur ma relance pour prendre une photo. On remonte une piste verte, que je reconnais pour l’avoir descendue en luge avec mes copains de fac. J’ai une pensée pour eux, et nos descentes en luge qui finissaient en coup de boules involontaires. Ça me redonne le sourire et la pêche pour le parcours vallonné qui arrive juste derrière.

Je repense aussi à ma Solène quand je vois des fontaines à eaux disponibles pour recharger nos gourdes. Sur ses conseils déjà entendu, je m’asperge les mollets d’eau fraîche. Avec ce regain d’énergie dans mes jambes, je me mets à gambader joyeusement devant mon père, jusqu’à une belle descente où je m’éclate. Je lance des « gauche » à foison, je me sens bien. Je lâche mon père un instant, je sais qu’il me rattrapera dans la prochaine montée.

L’ascension jusqu’au Mont Caïre Gros

Montée qui d’ailleurs ne finira plus. J’ai perdu toute notion du temps pendant cette ascension. Juste mon père devant moi, à l’aise, et moi qui me fait tirer mentalement par ses « Allez Cam ». Un pied devant l’autre, les mains sur les hanches pour redresser mon dos et respirer ; du moins essayer de trouver ce souffle qui me manque.

« Lève pas la tête, continue comme ça c’est bien » me dit mon père. « Hein, pourquoi ne pas lever … ah, mais c’est quoi ce MUR ? Même les sangliers ne passeraient pas par-là ! Mais c’est un chemin de randonnée ? Rappelez-moi de ne JAMAIS faire de randonnée ici ! » Je jure mentalement. Je souffle encore plus fort, mais je m’en fiche. J’imite également mon père en prenant un bout de bois sur le bord du chemin pour m’aider. Je veux juste arriver en haut et DESCENDRE. Mais j’en aurais pour quelques kilomètres. Sept, il me semble. Je regarde peu ma montre, je ne veux pas connaître mon allure. Je veux surtout ne pas m’arrêter, même si en croisant des sentiers « plats » je louche sur la gauche et la droite. Mais non, l’ascension continue, raide, pentue, difficile. Des portions à 20% sur plusieurs kilomètres. Du bonheur … pour les autres !

D’ailleurs, je croise une tête qui me dit vaguement quelque chose. Je suis trop focalisée sur ma peine pour faire les connexions dans mon cerveau. Il me regarde en souriant, je ne sais pas si c’est parce que les seuls mots que j’arrive à dire sont « putain » et « sa race » ou si c’est parce qu’il me connaît. Puis d’un coup, il me parle de Solène, de lui envoyer une petite photo. Photo réussie, aussi epic fail que mon état à ce moment-là. (Merci Fred, j’aurais bien ri après coup).

On sort enfin des sous-bois, et là, nous arrivons à hauteur de deux coureurs de l’Ultra. Je suis impressionnée, et je les encourage. L’un d’eux à l’air d’être un peu désarticulé, plus très lucide. Mais tout ça me remplit d’émotions. C’est un dépassement de soi magnifique.

Puis soudain, j’aperçois une tente orange en haut du plus haut point devant nous. Je regarde mon père qui me dit en souriant « on va tout là-haut ». Mais tout là-haut me semble inatteignable. Je commence à pester sérieusement, quand je me rappelle que je suis là pour le plaisir. Alors, je prends mon mal en patience, je regarde autour de moi. C’est vertigineux. Je sors mon portable pour prendre quelques photos sans m’arrêter.

Mon père commence à me bien me devancer, et je lutte pour le rattraper. J’arrive en haut à bout de souffle. J’ai faim. J’ai soif. Il faut dire que malgré les 3h de montées, je n’ai toujours pas fini ma poche d’eau d’1L et que je n’ai pas manger après l’échec du mini bout de barre qui est mal passé.

Je vide ma pompote maison d’une traite, et je demande à mon père de se prêter au jeu des photos au sommet. J’ai envie d’un souvenir souriant même si je viens de pester parce qu’il m’a laissée finir la montée seule.

Ma partie préférée : faire le cabri en descente !

Enfin la descente s’annonce. Belle, longue, raide. Autant je peine en montée, autant je sais qu’en descente je suis capable d’accélérer et de maintenir un certain rythme. Je m’élance donc derrière mon père qui me laisse vite la place. Je suis dans mon élément, je saute de pierre en pierre, je lâche les jambes. J’essaie de me contenir un minimum, il y a quand même 10km environ de dénivelé négatif et je ne voudrais pas finir avec un point de côté.

Mon père me repasse devant quand je m’arrête pour serrer mes lacets ; la hantise de me « refaire une cheville » n’est pas loin. Et pourtant, c’est peu de temps après que je fais à nouveau un joli vol plané-glissé latéral. Main en avant, je me retourne l’ongle de l’index. J’ai un genou qui saigne, mais je ne sens rien à la cheville, alors je me relève et je repars.

Nous arrivons enfin à l’unique ravito de la course. J’ai 17km à ma montre qui est un peu en avance. Je n’ai absolument pas faim, mais j’avale deux petits verres de Coca pour me redonner du sucre. Je me sens bien, j’ai hâte d’en finir et d’en découdre avec cette descente. Mais mon père me confie se sentir un peu moins bien, manquer d’énergie et il ne veut pas me brimer dans mon allure en descente. Je continue donc sans lui avec son accord.

Je m’éclate, et m’éclate à nouveau la face contre terre un kilomètre plus loin. Cette fois-ci, je me suis pris une pierre dans le ventre, j’ai arraché à moitié mon dossard et je me suis fait l’autre genou. Mais après rapide inspection, la première chose que je vérifie c’est mon portable. Il n’est pas cassé, alors je repars en courant sous l’œil amusé de la bénévole qui a vu mon action geekisante. Toujours aucunes douleurs à la cheville, mais je reprends avec une petite appréhension.

Je me fais doubler par un coureur en t-shirt jaune, que je vais suivre tout le reste de la course. Les coureurs de l’Ultra se font de plus en plus nombreux et je les encourage un à uns. Je suis pleine d’énergie, je lance des « Bonjours » souriants à tous les promeneurs et bénévoles que je croise. Je fais même des petites blagues concernant ma dégaine boueuse et ma non-envie de refaire une troisième chute. On a des passages sur route où j’en profite pour dérouler à grandes foulées.

Puis on retombe dans un petit chemin, qui remonte sur un sentier de caillasse et vertigineux. Une crête qui n’est pas sans me rappeler celles de la Sainte-Victoire. Avec une pensée pour le vertige de Camille, je fais bien attention à poser correctement mes pieds, quitte à marcher même si la pente n’est pas raide. D’un regard en arrière, j’aperçois brièvement mon père au loin. Je suis contente de savoir qu’il n’est pas si loin derrière moi. Je continue ma descente folle avec une autre coureuse à la jupette WAA. On râle ensemble, on se motive, et ça fait du bien.

D’ailleurs, c’est elle qui me prend par la main pour me dire de relancer quand on attaque la dernière côte pour entrer dans le village.

L’arrivée en côte : quelle idée !?

Mon père m’avait prévenu, on finira par une petite côte. Mais quelle côte ! Du raidillon, des escaliers puis une entrée dans les ruelles pavées du village. Je lâche rien, mais j’ai clairement envie de vomir. Tous les finishers et supporters attablés en terrasse nous encouragent et nous applaudissent. J’en ai les larmes aux yeux, mais je ne vois toujours pas l’arche !

J’entends enfin le speaker, je relève la tête et je vois ma mère et ma sœur qui nous attende. Je redouble d’effort, j’accélère une dernière fois, je tourne à gauche, et enfin je franchis l’arche. Je suis à bout de souffle, exténuée.

J’attends mon père juste après l’arche, je le guette. Je suis contente d’avoir fini, mais j’ai surtout hâte de le voir arriver. Et puis, il est là. Il marche et moi je hurle à tout va « Allez papa ! ». Il franchit enfin l’arche lui aussi, on lui remet sa médaille et la gentille bénévole nous propose de nous prendre en photo.

Je suis fière de lui, de moi, de nous. La course aura été difficile comme en témoigne mes courbatures au lendemain. Mais j’aurais ici repris la main sur les courses officielles. Histoire de continuer à ...

(Par)courir le monde autrement !

Camille Courenvert de Visit and Run