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Dix ans d'éclosion.

Avant toute chose, j’ai commencé à écrire ceci sans savoir si j’oserais le poster. Je ne sais par ailleurs pas si l’article restera. J’ai envie d’oser, de ne plus me condenser à un moule, et de partir dans autant de sens que part mon cerveau sur cet espace d’expression qui m’est propre (et public j’en ai conscience). La course à pied reste le fil vert de ma vie, mais je suis faite de mille autre chose, dont cette histoire ci-dessous.

2020, j’ose être pleinement moi-même, la “grande aventure”. 2020, l’éclosion peut-être. 10 ans de brouillon qui se termine, et l’impression que le brouillard se lève enfin.

Je ne saurais vraiment pas dire si cela à sa place ici, mais après tout ici, c’est mon espace d’expression, de partage, d’(en)vie. Et j’ai envie de croire que mes mots / maux ouvriront peut-être les yeux et le coeur à d’autres, et donnera peut-être un peu d’espoir, comme une douce mélodie qui dessine un nouvel horizon, le soleil qui lève plein de promesse.

En 10 ans, j’ai pris des claques, des coups, j’ai été rabaissée, par la vie, les gens, ceux que j’ai cru aimé, mais aujourd’hui je suis là debout. Le sourire en prime. Je n’aime pas la prétention de croire que ma vie puisse être un exemple de force, et pourtant, après avoir vacillé 10 ans, je n’ai jamais cessé d’essayer, de persévérer et de me relever de mes erreurs et autres malheurs.

Puisqu’il faut un début à l’histoire, je vais poser ces mots sur la mienne. Non sans peur (du jugement, du quand dira-t-on et du qui je suis pour en parler). Mon histoire, celle qui m’a mené ici, là voilà.

De l’amour aveugle à la chute cachée.

2010, je rencontre l’amour. C’est beau, c’est fort, il vient me voir tous les soirs ou presque dans sa voiture. On passe des heures et des soirées ensemble. J’y crois, c’est le bon. J’ai 18 ans et je vis enfin une relation d’adulte. Je m’y vois déjà ; mariée, des enfants …

Mais voilà, je suis trop “grosse”. Je ne lui donne plus envie. Persuadée que je dois de faire d’énormes efforts pour lui plaire, moi qui manque déjà un peu (beaucoup) de confiance en moi, je me mets au régime. Ce régime qui n’en finira plus. Cette punition pour chaque excès.

La course à pied n’est plus le sport où je suis bien, il est celui qui me fera perdre du poids. Je perds du poids, beaucoup. Peut-être 6-8 kg en quelques mois. Mais ce n’est pas assez. De toute façon, mes jambes sont dégueulasses. Ma tête, si mignonne, ne va pas avec mon corps, immonde. Cheveux, ongles, maquillage, tenue … tout y passe. Tout pour lui correspondre. Ne pas perdre cet amour “parce que [je] ne trouverais jamais personne d’autre qui ne veuille de moi”.

C’est une spirale, noire. La honte. Oui, dans le fond, je dois savoir que ce n’est pas normal d’entendre ça. Mais j’ai une peur terrible de l’abandon, et je n’ose pas en parler, parce qu’après tout c’est normal de se faire belle pour son homme.

Les regards noirs au moindre écarts, quand personne ne regarde. Se taire, ne pas rire trop fort, ne pas mettre de jupe ou de short. Être gentille, souriante, sociable mais discrète. Être comme ci, comme ça. Ne surtout pas être moi. Mais se faire aimer pour l’image qu’on renvoie. S’enfermer derrière ce masque. Pour mon entourage, tout va plutôt bien. Il est caractériel certes, mais si agréable, drôle, sociable.

Et toujours courir pour ne pas prendre un gramme. Courir, aller en cours, travailler, le voir, dormir. Courir, aller en cours, travailler, le voir, dormir. Courir, aller en cours, travailler, le voir, dormir.

Pourquoi je vous raconte ça ? Parce qu’il m’a persuadé que je n’étais pas capable de vivre par moi-même pendant 3 ans. Trois ans à effacer mes repères, ce que j’aimais. A taire tout ce qu’il y avait en moi.

Puis la vie, la coïncidence a fait que. Ça était dur, mais je suis partie. J’ai mis des œillères pour ne pas regarder en arrière, et j’ai foncé dans la vie.

La boule qui fait déborder le vase.

J’ai foncé un peu fort d’ailleurs dans la vie. Elle m’a rappelé à l’ordre 6 mois plus tard. Un petit accident de la route, une entorse des cervicales et un petit examen de routine. “C’est juste un nodule, mais on va faire des examens complémentaires pour s’assurer que tout va bien. Ne vous inquiétez pas, beaucoup de personnes ont des nodules et c’est totalement bénin ! C’est juste la routine”.

Examen final, au bout du fil ma mère me lit le résultat : “carcinomateux, je ne sais pas ce que ça veut dire”. Je suis sur mon ordi, à la fac en train de travailler sur mon mémoire. Une simple recherche Google et mon monde s’écroule. C’est comme dans les films. Un sifflement dans les oreilles, le noir, le chaos. J’ai un cancer. Un cancer de la thyroïde. J’ai 21 ans.

Les rendez-vous s’enchaînent, on prévoit l’opération rapidement. En attendant, je n’arrive plus à courir. J’ai encore mal aux cervicales. Je pleure quand j’essaie de faire 5km. Je n’ai plus de jambes, plus de souffle, l’impression que mon monde s’écroule. Je pleure souvent, et je pleure encore en l’écrivant aujourd’hui.

2013, année noire. J’ai perdu goût à courir, ça m’est si difficile. Je préfère faire la fête et oublier.

Québec, ma renaissance.

J’ai lutté les derniers mois de l’année 2013 avec une seule idée en tête : économiser et rejoindre ma meilleure amie et mes autres copains de la fac à Montréal. Ils sont en échange universitaire, et j’ai raté cette opportunité à cause de l’autre, mais je suis prête à tout pour rattraper le rêve que j’ai de visiter ce pays.

Février 2014, je débarque aux pays des caribous, sous -40°C. Pour la première fois depuis longtemps, je ne pense plus qu’à moi, à m’amuser, je ne travaille plus vraiment (ni en job étudiant, ni pour mes études que je laisse de côté), et je VIS. Pour MOI. Je fais quelques voyages seule, d’autres avec des énormes groupes d’étudiants. Je me remets à courir, dans la neige, sans équipement adéquat. Je dois rarement dépasser les 5 km mais je m’en fiche éperdument. Dans ce froid glacial, j’ai la vive sensation de renaître de mes cendres. C’est un sentiment incroyable, galvanisant, qui me pousse à croire un petit peu en moi.

Je rentre en fin mai, et je décide d’arrêter mes études en environnement où je me prédestine à la recherche. Je bâcle mon mémoire, j’obtiens mon année, et je me mets à la recherche d’une école qui voudra bien de moi pour faire de la communication. J’ai cette idée tenace en tête qu’il faut que je participe à la vulgarisation et à la communication sur ce qu’il en est de l’environnement, du changement climatique et de ceux à opérer.

Paris, un nénuphar dans la mare

Je fais donc un peu tout et n’importe quoi pour continuer dans cette voie. Je monte à Paris sans l’assurance d’une alternance et j’accepte un stage alterné dans une chambre de commerce, en m’endettant pour payer mon année. Mais je suis enfin à Paris, où j’ai toujours rêvé de faire mes études ! J’ai ce petit bracelet au poignet depuis quelques temps déjà, où il est inscrit “Ajoute 2 lettres à Paris et c’est le paradis”.

Dans ma valise, ma vieille paire de basket. J’ai fait beaucoup de sacrifices, notamment financiers, pour être ici, alors je n’ai pas beaucoup de possibilité de loisir. Petit à petit, je me remets à courir. On est fin 2014 - début 2015, et je rencontre alors la Boost Adidas, ces groupes de runners réunis par quartier. Je rencontre des passionnés, et c’est galvanisant.

Quasiment tous les week-ends, je me lance le défi de découvrir un nouveau coin de Paris et d’y aller en courant. Je check le parcours sur Google Maps pour évaluer la distance, et je me lance. Je me perds souvent, mais je me régale !

Si tu veux courir, cours un kilomètre, si tu veux changer ta vie, cours un marathon”.

Mars-avril 2016 : “Papa, si on faisait un marathon ?”. J’ai été bercée par les histoires de courses de mon oncle et de mon père lorsque j’ai débuté la course à pied ado. Pourtant, je n’ai jamais du courir plus de 12 kilomètres. Mais depuis toujours, le marathon me fascine.

Puis j’ai cette envie de me dire que je suis “capable”. De reprendre la main sur mon corps qui est partie en vrille aussi. J’ai pris du poids depuis mon opération de la thyroïde. Je n’ai toujours pas regagner la confiance en moi que l’autre m’a enlevé. Mais quand je cours, je me sens bien. Je me sens moi. Quand je cours, je suis heureuse, même si ce n’est pas toujours facile. Alors je veux aller au bout des choses, je veux tenter mon impossible, oser me dire que c’est possible.

On choisit le marathon de Nice-Cannes en novembre. Assez de temps pour m’entraîner progressivement et une localisation idéale pour un premier marathon puisque dans ma ville natale où mes parents vivent toujours.

Ce marathon, je le finis en pleurs. J’ai une hanche qui couine, c’est un effort immense, mais je sais que si j’avais du le finir en rampant, je l’aurais fait. Ce marathon est psychologiquement trop important. Son échec m’aurait fait perdre toute la petite confiance reprise.

Alors certes, l’après est un peu long, il faut que je “répare” cette hanche avec du repos et du kiné. C’est long, mais depuis le début de ma préparation, j’ai commencé à partager ici, anciennement “Visit&Run”. Et le partage autour de ce sport qui m’a toujours accompagné me permet d’entrevoir toutes les possibilités qu’il offre. C’est magique, pour moi qui ait toujours été assez introvertie, je me sens capable de m’afficher et d’échanger pleinement.

La magie des réseaux sociaux.

Petit point sur ce partage qui a rythmé les dernières années de cette tumultueuse décennie ; les réseaux sociaux ont eu un effet très positif sur moi, et sur la perception de mon corps. Quand j’ai posté ma première photo en short, j’ai du mettre des heures à la choisir. J’avais la peur au ventre que quelqu’un pense que j’avais des jambes dégueulasses. Que j’étais trop grosse pour me prétendre coureuse. Trop nulle aussi. Et pourtant “who cares ?” ; j’étais passionnée et c’est bien ce qui comptait le plus.

Certains ont peut-être eu ces mauvaises pensées, mais aujourd’hui je m’en fiche totalement. Je ne suis pas parfaite, mais je l’assume. Je ne serais jamais parfaite. Sur aucuns points.

En outre, les réseaux sociaux et surtout Instagram, m’ont permis de connaître des personnes formidables, de vivre des expériences rêvées, et de faire ce que j’aimais sans aucune contrainte. C’est un monde merveilleux dont il ne faut pas trop attendre, mais qui sait donner du bon (et parfois aussi du mauvais, il faut en être conscient).

Paris-Nice, l’indécision totale

Ces dernières années, je n’ai aussi que fait des aller-retour entre mon Sud qui restera toujours le plus beau dans mon coeur, et Paris que j’aime autant que je déteste. Des années d’incertitudes, de complexité avec des CDD et des temps de chômage compliqué financièrement. L’envie de me lancer à mon compte, un peu à l’arrache avec une retour au bercail familial.

J’ai envie de tout, de la vie parisienne, des grands espaces de la nature (et non, pas des champs de Normandie, désolée…), de la proximité avec la mer. J’ai envie de calme et d’avoir un truc à faire tous les soirs. J’ai envie de travailler seule chez moi et d’aller boire un café avec mes amis si l’envie m’en dit. Sauf que je ne retrouve pas toutes ces envies en un seul endroit. Mon coeur balance, ma valise s’use.

S’y ajoute la difficulté du logement et des missions en tant que freelance.

Mais pour tout vous dire, après 7 mois dans l’entre-deux lyonnais, je crois que j’ai envie de retourner à Paris. La vie si active, mes amis, les opportunités pour mon travail … tout y est plus attractif. Reste à savoir comment je pourrais assouvir mon besoin de nature… C’est sûrement le seul point sur lequel le brouillard ne s’est pas totalement éclairci !

Assumer ses émotions, et ce cerveau qui fonctionne trop

Je l’ai toujours perçu comme un défaut à taire. La peur de passer pour folle. Pourtant, j’ai toujours été comme ça, : intense, passionnée, pleine de ressources et de créativité, jamais arrêté par les obstacles, persuadée qu’il y a une solution à tout. A fond, dans tout, tout le temps. Je ressens les émotions x 1000, je le comprends aujourd’hui. On ne ressent pas forcément pareil autour de moi. Je suis hypersensible, zèbre … ou autre chose encore. Je sais juste que je ne me retrouve pas forcément dans ce qui m’entoure. J’ai appris à me protéger, parfois trop, et le challenge de ces dix prochaines années sera sûrement de faire de ce cerveau un atout, en arrêtant de vouloir le mettre dans une case préconçue.

J’aime faire mille chose, ressentir pleinement, y croire trop fort. Et tant pis, si je me rate, ce ne sera que l’occasion de recommencer. Parce qu’après tout, c’est ça la vie, non ?

Je vous laisse, j’ai un anniversaire (le mien) a fêté. J’espère que ce partage plus intime vous aura plus, malgré le manque certain de mise en forme et de photos.

Camille Court(toujours)enVert.

Camille Bouyssou