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Je suis féministe, mais je ne brandirais jamais de pancarte.

8 mars – Journée des Droits de la Femme. J’aimerais me dire que cette journée ne devrait être qu’une fête historique célébrant l’égalité. Ou qu’elle n’ait jamais eu à exister. Mais ce n’est pas la réalité.

Je ne suis pas une “grande bouche”, je n’aime pas les foules et les manifestations, je ne me sens pas capable de mener des grandes actions liées à la politique, car j’ai toujours peur de dire une bêtise ou de mal connaître mon sujet. Je n’aime pas me mettre dans des cases. Et malgré tout ça, je suis féministe.

Je suis féministe et je vais vous dire pourquoi pour moi, être féministe, ça se joue aussi dans le quotidien.

Ma réalité, un autre monde

Mais ma réalité, la mienne, toute personnelle … celle-là, elle est tout autre. J’ai la chance d’avoir été élevé par une mère badass et un père concerné. C’est ma mère qui ouvre les pots de cornichons récalcitrants, mon père qui fait à manger. C’est mon père qui s’occupe des travaux de la maison, et ma mère du linge. Chacun fait selon ce qu’il sait / peut faire. Pas parce que c’est un homme ou une femme. A la maison, mon frère a toujours débarrassé la table et fait le ménage au même titre que ma soeur et moi. Pareillement, autant lui ou nous, petites filles, pouvions être sollicité.e.s pour aider mon père aux travaux.

J’ai fait les sports que je voulais aussi ; après un essai infructueux en danse, j’ai pu m’essayer au basket, au VTT, à la boxe française. J’ai eu ma boîte à outils en cadeau à Noël, que j’ai choisi dans la page “Garçon” du catalogue sans que ça ne pose de problème à personne. Il n’y a jamais rien eu “pour les garçons” et “pour les filles”.

J’ai eu la chance inouïe d’être élevée et éduquée par des parents qui ont donné les mêmes leçons et les mêmes chances à tous leurs enfants, peu importe leur sexe. Et j’ai grandi en pensant que le monde était comme cela.

Pas de tabou, pas de discrimination

J’ai également toujours entendu dire que je pourrais aimer qui je voulais, homme ou femme, qu’un jour je ferais l’amour et que ça ne serait pas mal, qu’il faudra juste que je pense à bien me protéger. Pas besoin de grands mots, ou de longs discours. On m’a toujours dit les choses simplement, comme si c’était juste NORMAL. Et bien que je n’en parle pas tous les jours à ma mère, j’ai grandi sans jamais avoir honte de ma sexualité, et sans la diaboliser. Et encore une fois, c’est une chance.

Quand la réalité du monde est tout autre

Pourtant en grandissant, bien trop vite d’ailleurs, avec un corps de femme dès mes 12-14ans, j’ai compris petit à petit qu’en dehors de mon cercle familial, le monde se comportait différemment. Très vite sexualisée, observée par les hommes de haut en bas alors que je n’en avais jamais embrassé aucun. Plus tard encore, j’ai compris, quand on me prenait pour une potiche parce que j’étais une jeune femme, assistante commerciale, bonne à faire le café, pendant qu’on serrait la main à mon stagiaire. J’ai compris, quand dans le métro, on m’a mit la main aux fesses, quand le mec à côté s’est assis avec les jambes bien écartées parce que ces couilles étaient manifestement trop grosse, quand les mecs derrière moi à vélo ce sont dit qu’une fille ne pouvait pas tenir cette allure que j’allais forcément m’épuiser, quand Jeannot s’est fait rabroué par son collègue parce qu’il venait de se faire doubler par une fille sur le trail … j’ai compris.

J’ai compris que le monde ne donnait pas les mêmes leçons et les mêmes chances à tous ces habitants. Et encore que … je ne parle que de notre société « éduquée » d’occidentaux.

Pas de gueulante, mais des actions du quotidien

Pourtant, malgré toute la rage que m’a donné chacun de ces événements à mon encontre, moi, femme (et que toutes les femmes connaissent malheureusement que trop bien), je ne me suis jamais sentie capable de crier que j’étais « féministe et je vous emmerde », ni de brandir une des génialissimes pancartes qu’on peut voir en photo. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas moi. Comme pour l’écologie et tous les sujets qui me tiennent à coeur, je suis retenue par mon angoisse dans les foules aux émotions trop fortes, et mon caractère introvertie qui n’est pas prêt à s’extravertir même pour ces causes qu’il trouve si noble. Et pourtant, au quotidien j’agis.

J’agis en tenant tête à l’homme qui se croit plus fort que moi parce qu’il a une protubérance entre les jambes. J’agis en écartant encore plus les jambes, jupe ou non, quand le mec qui s’assoit à côté de moi ne sait pas respecter MON espace, car ses roubignoles le gênent. J’agis en hurlant sur l’homme qui a osé me toucher sans mon consentement. J’agis en levant mon doigt à celui qui s’octroie le droit de me traiter de salope parce que je cours en short. J’agis en répétant à mes copines qui me disent « mais je suis pas une fille comme ça », qu’une fille fait bien tout autant que ce qu’elle veut qu’un mec sans être « comme ça ». J’agis en rétorquant que « moi non plus je ne veux pas d’un mec sale » quand à l’apéro on me sort qu’une fille qui a eu plus de deux mecs dans sa vie est « sale » et qu’on ne veut pas « d’une meuf sale pour être en couple ».

Je ne brandirais sûrement jamais de pancarte, mais je suis féministe. Je lutterais tous les jours pour que les femmes et les hommes aient les mêmes droits sans aucunes différenciations. Je lutterais tous les jours pour vivre, un jour, dans le monde idéal où mes parents m’ont éduqué.